Une réhabilitation du brutalisme à la couture
Un site d’occupation millénaire
La cité universitaire André Allix, située sur la colline de Saint-Irénée à Lyon 5e, mêle les vestiges monumentaux de l’aqueduc gallo-romain du Gier datant du 2ème siècle, inscrits au titre des monuments historiques, et ceux du fort Saint-Irénée, construit entre 1834 et 1842. Transformé successivement en poudrière puis en caserne d’infanterie, l’armée cède le site à l’Université en 1921 qui y installe l’institut franco-chinois. En 1955, le recteur André Allix décide d’y créer une grande cité universitaire.
Le projet, conçu par Jacques Perrin-Fayolle et Pierre Verrier, permet d’accueillir 1655 étudiants dans de nouveaux bâtiments, tout en conservant certaines structures défensives. Les barres de logements sont regroupées à l’est et à l’ouest. Entre 1959 et 1969 les services collectifs, dont le restaurant universitaire, sont regroupés à l’emplacement de l’ancienne caserne du réduit, au centre du site. Ce bâtiment est désaffecté en 2016 pour être réhabilité, dans le cadre de cette opération, en résidence d’étudiants.
Perrin-Fayolle un architecte « brutaliste » ?
Le projet de restaurant de Jacques Perrin-Fayolle détruit le bâtiment d’entrée de la caserne du réduit. Le nouveau bâtiment de béton et d’aluminium empreinte le vocabulaire moderne parfois nommé « brutaliste ». Les vestiges de remparts sont laissés en écorché de part et d’autre. Les formes sont simples, la structure inférieure est maçonnée, la structure supérieure est métallique, les éléments de façade sont modulaires.
Au premier étage, les panneaux en béton préfabriqués sont incrustés de gros cailloux sombres. Au deuxième étage, les panneaux sont en aluminium et fixés de l’intérieur par un système de « mur-rideau à épine ». La face extérieure est en tôle d’aluminium anodisé avec de fines ondulations, les menuiseries coulissantes sont très fines, les deux coques d’aluminium intérieure et extérieure sont remplies d’une fine épaisseur de polystyrène. Cette disposition, conçue et réalisée par Jean Prouvé est caractéristique des innovations développées tout au long de sa carrière.
Un bâtiment à la limite de la ruine
Les panneaux de façade de Jean Prouvé ont perdu la majorité des menuiseries d’origine, remplacées par des menuiseries beaucoup plus épaisses. Les performances thermiques sont très éloignées des standards actuels. L’abandon du site pendant plusieurs années a engendré un caillassage systématique des tôles ondulées. Le projet s’oriente vers la démolition complète du niveau supérieur du bâtiment.
Dès la fin du XXème siècle le bâtiment présente des pathologies importantes. La charpente métallique de la toiture s’avère insuffisamment dimensionnée, elle est confortée mais cela s’avérera insuffisant. Sa réparation, envisagée dans un premier temps dans le cadre de notre opération, est abandonnée ; elle a perdu une part importante de son authenticité et nécessite des renforcements plus coûteux qu’une reconstruction.
La présence de fontis (cavités souterraines) dans les collines lyonnaises est courante, justifiant l’existence du service des Balmes sur la commune. La découverte de l’un d’entre eux au pied du bâtiment a nécessité le creusement d’un puits de 15m2 sur vingt mètres de profondeurs pour vérifier l’état du sous-sol et la réalisation de plusieurs dizaines de pieux de confortements.
Le respect du parti de Perrin-Fayolle
L’architecte Perrin-Fayolle décrit ce bâtiment comme « un vaste pont entre deux épaulements des casemates ». Notre projet gardera pour objectif de respecter ce parti d’intervention et son identité brutaliste. Les excroissances du restaurant, d’origine ou plus récentes sont purgées pour accentuer le parti général. Les niveaux inférieurs sont traités en conservation. Le caractère de « pont » du niveau supérieur est accentué dans sa reconstruction avec la suppression du volume d’escalier devenu inutile. L’ascenseur construit par l’agence XT’O en 2003 se détache du bâtiment s’intégrant dans la logique de passerelles et de pontons de liaison développés aujourd’hui.
Le programme comporte 65 chambres, un foyer, une aire de jeux extérieure et un lieu de conférence mutualisé avec l’institut franco-chinois. Ce dernier occupe le niveau inférieur qui fait face à l’institut et est en lien avec l’entrée principale du site. Le foyer s’implante au centre du premier étage et s’ouvre sur une terrasse à hauteur de l’aire de jeux noyée dans la verdure. Les chambres occupent les « ponts » et sa culée sud. L’ensemble dialogue avec l’écrin de verdure de proximité et le grand paysage de la colline de Fourvière.
Le soin et la couture durable
Le niveau inférieur est préservé au mieux dans sa matérialité d’origine, béton brut lisse et panneaux de cailloux sombres. Des modifications nécessaires au programme sont apportées tout en se noyant dans la matérialité existante ; fenêtres transformées en allèges, nouvelles allèges traitées en panneaux préfabriqués de cailloux sombres réalisés à l’identique des existants, nouveaux poteaux correspondant à l’organisation spatiale intérieure.
Le niveau supérieur reconstruit, dans sa volumétrie d’origine, est réalisé en structure bois et panneaux d’ossature bois préfabriqués. L’enveloppe est constituée d’un isolant en laine de bois et d’une vêture en zinc pré-patinée. La réhabilitation a permis d’atteindre le référentiel habitat HQE grâce à une rénovation énergétique globale, touchant l’enveloppe et les systèmes de ventilation.