La réhabilitation des façades légères dans l’habitat du XXe siècle
Une architecture résolument moderne
L’immeuble Les Cèdres situé au 44 rue de la Favorite dans le 5e arrondissement de Lyon est un manifeste de l’architecture moderne, labellisé « Patrimoine du XXe siècle » depuis 2003. Livré en 1962, cet immeuble en copropriété est l’œuvre des architectes lyonnais François-Régis Cottin, Alain Chastel et Marcel Dallière. Ses façades, particulières, sont des murs rideaux composés de panneaux en aluminium préfabriqués signés Jean Prouvé.
Jean Prouvé conçoit des panneaux préfabriqués composés d’une paroi extérieure en aluminium, d’une paroi intérieure en contreplaqué, entre lesquelles s’insère un isolant polystyrène. Le sandwich ainsi formé possède une épaisseur de seulement soixante-deux millimètres. L’ensemble est complété d’une menuiserie coulissante en aluminium aux angles arrondis qui font la caractéristique des fenêtres Prouvé. Les panneaux arrivent entier sur le chantier, des engins de levage les portent jusqu’à l’étage visé et deux hommes peuvent finir de les installer, le tout en un temps record.
Patrimoine, confort, énergie et économie
La singularité des façades légères de l’immeuble lui confère une forte valeur patrimoniale. Cependant, la mince façade, peu isolée, ne répond plus aux standards normatifs du XXIe siècle. Face à l’urgence climatique, il devient primordial d’améliorer les performances des enveloppes pour réduire les consommations énergétiques. En été, les habitants de la copropriété subissent la surchauffe des logements exposés plein sud lors des épisodes caniculaires de plus en plus fréquents. L’environnement acoustique de l’immeuble Les Cèdres évolue également et les habitants font face aux nuisances sonores provoquées par la circulation.
Face à ces problématiques, certains habitants commencent à remplacer leurs menuiseries par des fenêtres double-vitrage du commerce, dénaturant le dessin d’origine de Jean Prouvé. Pour améliorer leur confort tout en valorisant le patrimoine de l’immeuble, une réhabilitation s’impose. L’immeuble étant en copropriété, les solutions proposées doivent également convenir aux plus petits budgets pour que l’ensemble des habitants puisse bénéficier des améliorations potentielles.
Comment améliorer le confort des habitants et les performances énergétiques des enveloppes tout en respectant le caractère patrimonial de celles-ci, dans une enveloppe économiquement viable ?
Pour répondre à ces enjeux multiples et complexes, archipat se lance dans un travail de recherche en architecture par l’encadrement d’une thèse en CIFRE – Convention Industrielle de Formation par la Recherche – menée par Mathilde Padilla, doctorante.
Un projet de recherche pluridisciplinaire
Une équipe pluridisciplinaire est montée afin d’associer toutes les compétences nécessaires pour mener à bien ce projet de recherche. Elle réunit des chercheurs en architecture, des historiens, des architectes praticiens, des ingénieurs thermique, acoustique et structure, un économiste, le syndic de copropriété, les copropriétaires et des entreprises. Ces différents acteurs participent aux phases de diagnostics, mais sont également sollicités lors des phases de conception afin de faire émerger des procédés innovants. Un conseil scientifique se réunit annuellement pour prendre les décisions importantes et assurer un suivi objectif des travaux menés.
Une démarche expérimentale
L’équipe met en place une méthodologie en trois étapes. La première consiste à réaliser des diagnostics architecturaux, patrimoniaux, thermiques et acoustiques approfondis afin d’avoir une connaissance exhaustive de l’existant. A ceux-ci s’ajoutent des diagnostics d’ambiances vécues réalisés auprès des habitants qui sont interrogés selon leur ressenti au sein de leurs logements. Ce dernier volet permet de cibler les besoins réels des habitants et de les mettre en relation avec les précédents diagnostics pour définir des objectifs à atteindre.
La seconde étape consiste à concevoir des hypothèses de solutions répondant à ces objectifs. De nombreuses solutions sont imaginées en concertation avec l’ensemble des acteurs. Puis, le conseil scientifique choisit les solutions qui lui semblent les plus pertinentes pour que celles-ci fassent l’objet de prototypes à l’échelle 1 : 1
La troisième étape consiste à l’élaboration de ces prototypes, préfabriqués aux Grands Ateliers, puis montés in situ à l’aide des compagnons du devoir de Villefontaine, dans un logement vacant situé en rez-de-chaussée de l’immeuble. Pour bénéficier d’un ensoleillement supérieur, un prototype de store extérieur est également posé au deuxième étage, avec le concours des entreprises Prodotti France et Asymptote. Une recherche de polychromie pour les toiles de stores, reprenant les teintes de l’environnement de l’immeuble reflétées habituellement par l’aluminium, est en cours.
Les prototypes permettent de tester les performances des hypothèses de conception et leur mise en œuvre en conditions réelles. Les bureaux d’études réalisent des diagnostics de ces prototypes qui viennent ensuite modifier et améliorer les propositions de solutions. La démarche est itérative entre conception et expérimentation dans le but de proposer aux copropriétaires les solutions les plus adaptées.
Une méthode viable et transposable
Pour s’assurer de la viabilité de l’opération et permettre aux copropriétaires de réaliser leurs travaux, un montage financier et des études économiques sont réalisés en parallèle. Les solutions apportées doivent permettre de conserver ce patrimoine du XXe siècle et de l’adapter aux enjeux du XXIe siècle. Pour le garantir, la démarche menée peut être transposée à d’autres opérations de réhabilitation de façades légères.