Restauration des façades
Un immeuble type du quartier Saint-Jean
Parfois, une injonction administrative de ravalement de façade peut engendrer une belle aventure !
Une aventure qui s’est déroulée au 44 rue Saint-Jean, sur un immeuble acquis dans les années 1980 par un couple tombé sous le charme de cet édifice qui présentait de beaux détails sculptés dans les tours d’escalier…
L’immeuble avait été protégé parmi les monuments historiques, inscrit en juillet 1937, comme de nombreux édifices du quartier Saint-Jean de Lyon. Cet édifice est en fait la réunion de deux anciens immeubles, chacun ayant conservé une tour d’escalier à vis sur une petite courette, accessible depuis l’allée commune. Les caves présentent des appareillages des XIIIe-XIVe siècles. Dans sa partie Sud, l’immeuble offre une façade aux profils du XVe siècle, tandis que, dans sa partie Nord, il présente des profils du XVIIe, époque à laquelle les deux maisons avaient été réunies et surélevées.
Les façades, à bout d’entretien, devant être reprises, les propriétaires ont missionné l’agence archipat pour mener à bien ces travaux de ravalement.
Consolidation, valorisation et amélioration thermique
Comme avant toute intervention sur un édifice historique, les architectes ont tenté de comprendre l’évolution de l’immeuble en confrontant les données des archives (textes et plans anciens notamment) aux observations in situ.
Le diagnostic mené sur le bâtiment montrait que les façades, couvertes d’enduits au ciment, et les encadrements de baies, dont les meneaux et traverses avaient disparu, étaient en mauvais état, structurel et sanitaire. Les menuiseries n’étaient plus étanches et la toiture était à bout d’entretien.
Aussi le parti général de l’intervention s’est-il concentré sur une restauration conséquente de la façade la plus « patrimoniale » et de la toiture, en conjuguant consolidation, valorisation et amélioration thermique :
- Restauration complète de la façade côté rue Saint-Jean avec restitution des meneaux et traverses en pierre, réfection des enduits et application d’un badigeon restituant la différence entre les deux parcelles réunies.
- Ravalement plus simple des façades sur cour et de la façade côté rue du bœuf, moins ornées et en meilleur état sanitaire.
- Réfection des toitures en intégrant la mise en place d’une épaisse isolation en laine de bois, matériau écologique, par-dessus le voligeage, et en reprenant débords de toiture et couverture en tuiles creuses
- Changement des menuiseries bois, en les adaptant aux nouvelles croisées et en intégrant un double-vitrage.
Des savoir-faire indispensables pour restaurer l’édifice
Les travaux, confiés à des entreprises dotées d’un savoir-faire reconnu, ont duré 5 mois.
L’entreprise de maçonnerie, a pu grâce à ses tailleurs de pierre, reprendre les encadrements de baies et restituer les meneaux et traverses sur la rue Saint-Jean. Un relevé minutieux des vestiges, la réalisation de prototypes pour valider notamment le dessin des bases prismatiques, a permis aux compagnons de mettre leurs talents au service de la restitution des deux façades, très différentes dans leur composition. C’est un calcaire jaune de Jaumont qui a été utilisé pour les éléments de la partie Nord, aux profils XVIIème assez simples (chanfreins, bases à un registre) ; et c’est un calcaire plus « blanc-rosé » (pierre de Lens) qui a été choisi pour compléter les splendides encadrements de la partie Sud où tores à « nez-de-cochon » et bases prismatiques ornent cette façade caractéristique du XVème siècle. La façade avait été purgée de ses enduits au ciment (inadaptés aux maçonneries anciennes) pour recevoir un nouvel enduit au mortier de chaux naturelle. Un badigeon de chaux avec deux teintes différentes obtenues par l’adjonction de pigments naturels, a été appliqué pour remettre en valeur la division parcellaire et souligner délicatement cette « scansion » de façade si caractéristique du tissu médiéval du quartier Saint-Jean.
L’entreprise de charpente-couverture a réalisé un très beau travail, moins visible depuis la rue, sur les toitures. La mise en place d’une isolation écologique en laine de bois a permis de reprendre l’ensemble des couvertures avec des tuiles creuses, dont des tuiles de récupération en couvrant pour favoriser l’intégration dans le paysage des « cinquièmes façades » du Vieux Lyon. Les abouts de chevrons ont été retaillés, plus débordants sur la rue. Les travaux ont également permis de reprendre entièrement la toiture de la tour d’escalier à vis qui émerge de la parcelle. Les travaux des années 60 avaient altéré cette couverture, mais les compagnons ont retrouvé les profils moulurés des chevrons et pu redonner une très belle silhouette à l’ouvrage avec une composition à pans de tuiles creuses conforme aux savoir-faire d’antan.
L’entreprise de menuiserie a eu la délicate mission de fabriquer des nouvelles menuiseries pour les baies à meneaux et traverses restitués, avec une technique de dépose/repose limitée à une journée (appartements occupés). Ces grands ouvrages en bois, peints, accueillent des double-vitrages dont le verre extérieur est un verre étiré offrant aux passants une vibration de lumière et de reflets qu’une glace claire n’aurait pu produire. Les prises de cotes préalables ont été essentielles pour adapter au centimètre près les menuiseries dans des baies qui présentaient de nombreuses déformations suite aux mouvements de façade (parfois des différences de niveaux de 2 à 3cm).
Un contexte exigeant
Trois défis majeurs ont pu être relevés :
- Un chantier faisant appel à des savoir-faire d’excellence pour être à la hauteur de la qualité patrimoniale de l’immeuble, avec l’accompagnement de l’Unité Départementale de l’Architecture et du Patrimoine du Rhône.
- Un chantier en site occupé, à gérer en parfaite coordination avec les occupants de l’immeuble, notamment lors des changements de menuiseries, avec l’aide de la régie.
- Un chantier sur un temps court, afin de limiter les désagréments pour les occupants, mené pendant la période hivernale où les terrasses extérieures sont repliées.
Une qualité architecturale retrouvée
Les travaux réalisés ont permis de retrouver une façade restaurée qui s’intègre avec douceur et élégance dans le paysage urbain de la rue Saint-Jean.
Ce chantier, précédé d’un temps long d’études et de préparation, a été une réelle aventure, extrêmement motivante. La confiance et l’engagement des propriétaires, le dialogue avec les entreprises pour trouver les conditions optimales d’exprimer leur savoir-faire, les découvertes en cours de chantier, le plaisir à retrouver des matériaux et des dispositions historiques, le sentiment de participer aux efforts d’amélioration thermique, tous ces moments ont été un « moteur » pour relever les défis patrimoniaux et environnementaux grâce aux qualités humaines et professionnelles de tous.