Restauration et réutilisation du Définitoire
L’abbaye de Cîteaux, maison mère de l’ordre cistercien
Fondée en 1098, l’Abbaye de Cîteaux connait un développement monumental pendant toute l’époque médiévale. Vers 1690 est adjoint un troisième cloître dit « des novices » délimité par trois ailes, dont l’une abrite une fonction singulière de l’abbaye-mère, le Définitoire.
Les définiteurs constituaient depuis 1197 le comité exécutif du Chapitre Général, tête effective de l’ordre cistercien dont le fonctionnement est régi par la Charte de Charité (1119). Le Définitoire doit son nom à cette fonction de conseil propre à Cîteaux, spécifique à la gouvernance cistercienne.
Au XVIIIe siècle, la vente révolutionnaire aboutit à une quasi-disparition des bâtiments de l’abbaye. Seuls trois édifices furent sauvegardés, dont le Définitoire, qui subit alors de fortes modifications. Réduit à la seule aile sud de l’ancien cloître, sa haute toiture est écrêtée. D’autres aménagements sont engagés pour subvenir aux besoins d’une sucrerie, puis d’un atelier d’ajustage.
De nouveaux usages pour le Définitoire
Un programme de réutilisation est porté par la Congrégation de Cîteaux et l’association internationale Cîteaux Mater Nostra. Il est développé dans le cadre d’une étude de programmation menée en 2019 par archipat
:
– un pôle Découverte, dévolu à la visite, abritant 4 salles d’exposition de collections permanentes présentant sous divers aspect la spécificité de la vie cistercienne et 1 salle d’exposition temporaire ;
– un pôle Conservation, dévolu aux CERCCIS (Centre européen pour le rayonnement de la culture cistercienne), permettant l’accueil d’archives cisterciennes, pour partie déjà constituées et pour partie à venir, et leur consultation.
Le pôle Découverte intègre une muséographie adaptée au bâtiment : la présentation des contenus reste décantée pour dégager les espaces. Les mobiliers et les supports de présentation adoptent une frugalité et une solidité cisterciennes, les équipements coûteux ou délicats d’entretien sont proscrits. Aussi, les objets présentés sont choisis pour être compatibles avec cette absence de traitement climatique.
Base documentaire et méthodologies
En 2022, une étude « de relevé, diagnostic et esquisse » vise à établir un état de connaissance général du Définitoire. Conjointement, relevés à la main et relevés numériques révèlent les dispositions actuelles de l’édifices : dimensions, compositions, vestiges archéologiques, ouvrages d’origines ou modifiés, états sanitaire et structurel, etc.
Ces relevés fournissent aussi la matière nécessaire à l’élaboration d’une maquette numérique. Perpétuellement augmentée des études et découvertes complémentaires, la maquette fournie la superposition des états antérieurs connus (XVIIe et XIXe), de l’état actuel et de l’état projeté du Définitoire.
Vue axonométrique de l’aile ouest, état existant – maquette numérique, archipat
Une conservation raisonnée mettant en valeur l’architecture sans trahir l’histoire
L’enveloppe du Définitoire fait l’objet d’une restauration critique : protéger l’un des derniers vestiges du complexe monumental de Cîteaux par une intervention qui n’efface ni les stigmates du temps, ni l’épaisseur historique, tout en rétablissant une lecture aujourd’hui disparue de la monumentalité et du caractère claustral d’origine.
Une nouvelle toiture est construite, sur une pente de 40°, identique à celle de la bibliothèque, redonnant une part de sa monumentalité au Définitoire. Elle est couverte en tuile plate de ton naturel. Les avant-corps de la façade sud sont rehaussés de façon à dépasser légèrement la hauteur de l’égout : cela suffit à exprimer la prédominance des avant-corps sur la toiture, sans restituer les couronnements disparus.
La réouverture des baies du XVIIe siècle participe à rétablir l’échelle communautaire de l’architecture. Les pignons retrouvent les grandes baies centrales surmontées d’un oculus ; au sud, les baies sont restaurées sur leur pleine largeur ; au nord, les baies de la galerie du cloître des novices sont réouvertes.
Ce qui subsiste de l’enveloppe maçonnée du XVIIe siècle, très fortement dégradée, nécessite une intervention lourde de restauration en conservation. Le renouvellement de la matière reste déterminé par le respect des dispositions constructives et formelles d’origine, élément par élément, garant d’un respect maximum de l’authenticité de ce qui subsiste de l’enveloppe. La distinction des parties rapportées est favorisée par un usage raisonné des matériaux de substitution.
Salle de lecture de l’étage, état projeté – maquette numérique, archipat
Restitution du plan d’origine de la galerie du cloître
Au rez-de-chaussée, la galerie de cloître dans-œuvre est rétablie par abattage des cloisonnements, afin de redonner sa cohérence distributive au bâtiment.
L’étude approfondie du bâti ancien nous conduit à restituer les particularités du plan d’origine de cette galerie de cloître :
– la galerie est prolongée jusqu’au niveau historique du mur de refend qui la séparait de la salle des Définiteurs ;
– les murs restitués sont en brique de réemploi issus des déposes des bouchements de baies actuels ;
– un voûtement en bois, restituant la volumétrie des voûtes d’arrêtes maçonnées disparues, est créé sur le linéaire de galerie rétabli ;
– un nouveau sol déployé sur l’ensemble de la galerie garanti l’unité spatiale et l’accessibilité au public.
Distribués par la galerie, les espaces voûtés du XVIIe siècles sont restaurés et leurs décors peints dégagés.
Impact environnemental réduit
La dépose sélective et le remploi de matériaux, la valorisation d’énergie renouvelable, l’emploi de matériaux biosourcés et locaux, la lutte contre l’imperméabilisation des sols, le respect de la biodiversité (faune aviaire et de rivière), les équipements techniques adaptés à une exploitation modérée du bâtiment, sont autant de paramètres fondamentaux du projet de restauration et de réutilisation du Définitoire. Les principes de frugalités et de robustesse s’accordent aux valeurs cisterciennes du maître de l’ouvrage et aux enjeux environnementaux.
Ainsi, le chauffage est limité au strict minimum. Les réserves exploitent l’inertie de l’enveloppe et l’efficacité isolante d’une enveloppe interne créée en structure bois de réemploi et enduit chaux-chanvre. L’enveloppe extérieure est isolée pour les seules surfaces de bureaux / consultation chauffées, au moyen d’enduits chaux-chanvre perspirants et de menuiseries intérieures de doublage. Des occultations intérieures et des ouvrants de ventilation assurent le confort d’été de façon modulable. La gestion des EP s’accorde avec l’équilibre du milieu et le projet assure zéro imperméabilisation des sols autour de l’édifice.